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Le système scolaire au Rwanda (2009)

Être un enfant au Rwanda, 15 ans après le génocide
 des améliorations en cours pour l’éducation

Être un enfant au Rwanda, 15 ans après le génocide
Voici un aperçu du système scolaire rwandais aujourd’hui, en 2009.
Il vous aidera à mieux situer la scolarité de votre filleul(e).

Une population très jeune

Pays dont la densité est la plus forte du continent africain, le Rwanda compte aujourd’hui 10 millions d’habitants (1). Lors du dernier recensement, la population en âge scolaire (6 à 24 ans) représentait 47,6% de la population (2). L’offre scolaire, malgré une volonté et des améliorations certaines, demeure grandement insuffisante en terme d’infrastructures, matériels, et d’enseignants qualifiés pour permettre à tous une éducation de qualité. Il en résulte un taux élevé d’abandons et peu de diplômés, au regard du taux élevé de scolarisation.

La maternelle

Au Rwanda, les écoles maternelles d’Etat n’existent pas. Les enfants commencent leur scolarité à l’école primaire à l’âge de 7 ans dans le public, et à 6 ans dans le privé.
Cependant, les écoles maternelles du secteur privé sont de plus en plus nombreuses, même si financièrement elles sont réservées à des privilégiés.

Le primaire

La scolarité en primaire dure 6 ans. Elle commence en classe de 1ère primaire pour se terminer en classe de 6ème primaire.
Les écoles sont généralement proches, il est rare qu’en milieu rural un enfant parcoure plus de 5 km pour se rendre à l’école, même si une minorité d’enfants doit parcourir des distances plus longues.

Le taux de scolarisation est important en primaire.
En secondaire, le nombre limité de places et un coût plus important des études limite l’accès à l’éducation. Le programme d’éducation de base de 9 ans a pour objectif d’augmenter le taux de transition primaire/secondaire.

Des classes très chargées

95 % des enfants rwandais en age d’être scolarisés en primaire sont scolarisés (ce chiffre ne tient pas compte des abandons en cours d’année).
Les élèves y sont nombreux : l’année commence avec 49 élèves par classe, qui étudient soit le matin, soit l’après midi, l’enseignant gérant une classe d’une cinquantaine d’élèves le matin et une autre classe l’après-midi (c’est la double vacation). L’année se termine en moyenne avec 42 élèves par classe, à cause des abandons.

Un programme de rattrapage existe pour permettre aux enfants qui ont abandonné l’école primaire de la réintégrer. Ce programme est un cours accéléré, dont la durée varie en fonction de l’année où l’enfant a quitté l’école.

En 2007, 29 059 enseignants (dont 98.1% sont qualifiés) formaient 2 150 430 élèves de primaire (toutes classes confondues), répartis dans 2370 établissements(3). Tous ces chiffres sont en constante augmentation.

L’enseignement des trois premières années de primaire est dispensé en kinyarwanda (langue commune à tous les rwandais), puis ensuite en kinyarwanda et en anglais. L’anglais a remplacé en 2009 le français dans l’enseignement, non sans mal ni difficultés. Jusqu’alors le français, le kinyarwanda et l’anglais étaient utilisés en fonction des enseignants et des établissements (l’anglais est devenu l’une des trois langues officielles en 1994, et le français ne l’est plus depuis fin 2008). La récente reprise des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France, rompues depuis novembre 2006, va-t-elle avoir un impact sur cette mesure ?

Le primaire se termine par un examen d’Etat. (Nous pouvons faire un parallèle avec l’ancien certificat d’études français.) En 2007, 22,4 % des élèves le réussissaient (3). La note requise pour réussir ces examens et pouvoir entrer à l’école secondaire est déterminée par le nombre de places disponibles dans les établissements d’enseignement secondaire. Ceux qui ont échoué et qui ne peuvent pas payer les frais scolaires dans le privé (moins sélectif, beaucoup plus cher, et dans 70% des cas moins performant) redoublent la 6ème primaire. Un nouveau programme qui a pour objectif de donner à tous les rwandais une éducation de base de 9 ans (cf. « L’éducation de base de 9 ans » plus bas) permet à davantage d’élèves d’entrer en secondaire. De nouveaux collèges ouverts pour ce programme accueillent les élèves qui ont une moyenne moindre que celle requise pour entrer en secondaire.

Le secondaire

L’enseignement secondaire commence par le tronc commun, qui dure 3 ans, les jeunes ont alors de 14 à 16 ans. Suit le second cycle, qui dure aussi 3 ans, pour les élèves de 17 à 19 ans. Ce dernier se décompose en trois filières : générale, technique (électricité, menuiserie, plomberie, construction et électronique, mécanique), et professionnelle (soins infirmiers, agriculture, foresterie, comptabilité, secrétariat, services sociaux, juridiques et administratifs, hygiène et santé, travail de laboratoire, alimentation et tourisme).

En 2007, 266 518 élèves étaient inscrits en secondaire (tous niveaux compris). 28,5 % de élèves réussissaient les examens du tronc commun (équivalent du brevet des collèges en France), puis 70,7 % réussissaient les examens de fin du second cycle (3) (équivalent du baccalauréat), diplôme de niveau A2 et aussi appelé diplôme des humanités. A l’issue des études secondaires, les élèves qui ont obtenu suffisamment de points lors des examens peuvent accéder à l’Université.
Les élèves qui ont échoué au collège public, peuvent, s’ils en ont les moyens financiers, s’inscrire au collège privé et continuer leurs études.

L’enseignement supérieur

Le 1er cycle des études universitaires dure 2 ans et mène au grade de bachelier. Ensuite, le grade de licence s’obtient au terme de 2 ou 3 années d’études supplémentaires. Ce cycle est de 3 ans en génie (diplôme d’ingénieur), en pharmacie (diplôme de pharmacien) et en agronomie (diplôme d’agronome). Le programme menant au diplôme de docteur en médecine totalise 6 ans, plus 4 années supplémentaires pour devenir médecin spécialiste.

37 149 rwandais fréquentaient l’enseignement supérieur en 2006 (dont 44% dans le public) (3), répartis dans 18 institutions (dont 6 sont publiques). Beaucoup de diplômes délivrés par le privé ne sont pas (encore) homologués ni reconnus sur le marché du travail.

A la fin des études, il est très difficile pour les étudiants de trouver du travail. La compétition pour trouver un emploi est rude. Quelques uns trouvent un travail dans leur domaine, mais souvent les étudiants diplômés doivent s’adapter au marché du travail en travaillant dans un autre secteur. Peu quittent le pays dans ce but, et dans ce cas l’émigration a lieu le plus souvent dans d’autres pays du continent.

Une scolarité coûteuse pour les familles

Les frais de scolarité (minerval) ont été supprimés pour le primaire en 2003, et remplacés par un « capitation grant », qui est une somme versée par l’Etat aux établissements scolaires sur la base du nombre d’élèves (environ 3 euros par élève en 2007). Si cette mesure a permis d’augmenter significativement le nombre d’enfants qui fréquentent l’école primaire, les dépenses des familles pour l’éducation des enfants restent cependant une charge importante (achat des uniformes, des cahiers...)
Ces dépenses augmentent considérablement en secondaire avec les frais d’inscription, et où les familles doivent fournir un trousseau complet aux élèves qui sont internes (uniforme, matelas, draps, serviettes, lessive, bassine, assiettes, gobelet, couverts...) Beaucoup de familles ne peuvent y envoyer (tous) leurs enfants, ou au prix de lourds sacrifices. Certaines vendent terres et biens, augmentant ainsi leur pauvreté. La prostitution des enfants pauvres pour financer leurs études est marginale mais un phénomène bien réel.

Les élèves rwandais peuvent recevoir des aides de la part d’organismes publics, d’ONG ou associations, notamment du FARG (« Fonds National pour l’Assistance aux Rescapés du Génocide les plus nécessiteux »), du SFAR (l’Agence Rwandaise de Financement des Etudiants), le PACFA (Protection et soin des familles contre le « VIH »/Sida), le CNLS (Conseil National de Lutte contre le Sida), AVEGA (Association des Veuves du Génocide Agahozo), l’UNICEF, World vision, Compassion, L’association d’Aide aux orphelins du génocide rwandais, la Croix rouge, le MINALOC (Ministère de l’Administration Locale et des Affaires Sociales), Appui Rwanda...

Mais de tous les étudiants qui en auraient besoin, tous ne peuvent pas prétendre à une bourse.
Le gouvernement paie aussi les frais scolaires des élèves qui ont réussi les examens nationaux de fin de primaire et qui vont dans certaines écoles secondaires privées avec lesquelles il a signé un partenariat.

L’inscription à l’université privée la moins chère coûtait en 2006 450€ par trimestre, soit 1350€ par an, et ces frais continuent d’augmenter.

L’éducation de base de 9 ans.

Afin d’améliorer la formation des rwandais, il a été décidé en 2006 que « l’éducation de base » « gratuite » passerait de 6 ans à 9 ans pour tous, incluant non plus seulement le primaire, mais aussi les trois premières années du secondaire. Ce programme d’Etat a débuté et va s’étendre jusqu’en 2015. En ce sens, le gouvernement a ouvert de nouvelles écoles. 201 écoles secondaires de secteurs sans internat ont été créées en 2007 (pour un total de 640 écoles de secondaire).

Une évolution dynamique mais des difficultés majeures

Le système scolaire a repris très vite après le génocide des Tutsi de 1994, qui n’avait laissé que ruines et chaos. À partir de 1995, les écoles primaires, secondaires et même l’université ont rouvert les portes aux jeunes rwandais qui étaient restés dans le pays comme à ceux qui rentraient d’un exil de plus de trente ans. Depuis, il y a eu d’énormes progrès dans l’enseignement. Dans un pays qui compte aujourd’hui 35% d’adultes analphabètes (4), l’éducation est une priorité. Le gouvernement a augmenté le nombre des enseignants, aujourd’hui plus nombreux qu’avant le génocide. Les enseignants non formés ni diplômés ont progressivement été remerciés et remplacés. En 2007, on comptait 6458 enseignants dans le secondaire, alors qu’ils n’étaient que 3949 en 2004) (3).

Mais le paludisme, la malnutrition protéino-énergétique, cause majeure de l’immunodéficience (5), le sida demeurent des freins importants à l’éducation. Le génocide a laissé un nombre considérable d’orphelins et d’enfants devenus chefs de ménages. Bien qu’ils aient le droit à l’éducation, ils ont aussi et surtout la charge de l’éducation de leurs petits frères et sœurs, qui se fait au prix de la leur. On note également qu’au Rwanda les garçons reçoivent généralement plus d’attention que leurs sœurs, qui sont davantage sujettes à l’exclusion. Ce qui explique probablement la plus grande réussite scolaire des garçons par rapport aux filles au Rwanda.

Les enfants des rues sont quant à eux un phénomène qui reste problématique. Dans l’ensemble du pays, de nombreuses associations tentent d’apporter des solutions à la situation de ces enfants, citons par exemple le restaurant Le Papyrus, qui forme des enfants des rues, avec succès.
Certains enfants des rues, qui n’ont pas l’opportunité d’être dans les centres offrant soutien et formation, ou d’être placés en famille d’accueil, sont placés un temps par la police dans le centre de Gikondo, à Kigali, avec les mendiants, les vendeurs de rue et les travailleurs du sexe, sans liberté ni droit à l’éducation, avec pour repas quotidien un gobelet plein de maïs. Les enfants de moins de 13 ans sont quant à eux transférés dans un orphelinat.

Si l’enseignement est aujourd’hui en principe accessible à tout le monde, sans ségrégation, contrairement à ce qui se passait durant la première et la deuxième république, cela ne veut pas dire que chacun a vraiment accès à l’enseignement qu’il veut, car il y a la sélection par l’argent.

D’un point de vue économique et dans un contexte mondial peu favorable, le Rwanda a enregistré une croissance forte à deux chiffres de +11,2% en 2008 (7), grâce à de bons résultats dans l’agriculture (+15%), l’industrie (+11%) et les services (+8%). Cette croissance est annoncée pour 2009 entre +5 et 6%.

On observe une baisse de la pauvreté pour nombre de rwandais, mais aussi une grande masse de villageois dont la situation demeure toujours très précaire. 24 % des Rwandais vivent dans l’insécurité alimentaire (6).
L’indice de développement humain (IDH), plus réaliste pour mesurer le bien-être individuel ou collectif, place le Rwanda loin derrière, à la 167eme position mondiale (sur 182), entre le Sénégal et la Gambie (avec 49.7) (4). Cet indice est cependant en constante progression depuis 1995. En 1990, il était de 32,7. L’indice de pauvreté IPH-1 (4), qui tient compte de paramètre similaires (espérance de vie, éducation, santé, niveau de vie) place le Rwanda à la 100ème position des 135 pays en développement.

Actuellement, les améliorations en cours pour l’éducation concernent la construction de nouvelles classes de primaire et de début du secondaire (voir plus haut le programme d’éducation de base de 9 ans), une augmentation du « capitation grant » (voir plus haut), la formation des enseignants, l’achat de matériel informatique, l’ajout d’accès internet, l’ouverture de nouvelle branches universitaires (tourisme, architecture, environnement, contrats publics...), l’achat de livres (pour qu’en 2015 il y ait un manuel scolaire pour trois élèves au plus...), etc.

Malgré la gravité de la situation de beaucoup d’entre eux, la vision des jeunes au Rwanda aujourd’hui est celle d’un pays promoteur, avec une vision d’avenir.

David Michel, décembre 2009.
Appui Rwanda - sur une idée de Bernadette Primet, avec l’aide de Phanuel Uwimana, Bernadette Primet.


Notes

(1) United Nations Statistic Division, 2009.
(2) Service National de Recensement, 2002.
(3) MINEDUC Ministère de l’éducation, 2008 (données 2007).
(4) PNUD, 2009 (données 2007).
(5) Malnutrition protéino-énergétique et immunité : tentative de restauration de l’immunodéficience secondaire à la malnutrition, Philippe Chevalier, 1994 ;
Le Sida en Afrique : quelles priorités pour l’aide sanitaire, Actes du colloque du 8 décembre 2003 au parlement européen, éd. Marco Pietteur, 2005.
(6) Action Aid Rwanda, 2009.
(7) Briefing Note On the 2009/10 Budget, Minister James Musoni 12 June 2009.

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